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Licenciement disciplinaire

Pour sanctionner une faute grave, l’employeur doit agir rapidement

L’employeur qui souhaite sanctionner un salarié fautif doit toujours le faire dans un délai maximum de 2 mois. En cas de faute grave, son temps de réaction doit être bien plus court. Nouvelle illustration avec un arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2020.

Rappels des caractéristiques de la faute grave

La faute grave (composée d’un fait unique ou d’un ensemble de manquements) est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867, BC V n° 146). La qualification de faute grave n’est pas sans incidences concrètes, puisqu’en principe, elle prive le salarié de l‘indemnité de licenciement et de son préavis.

De la définition de la faute grave (« impossibilité de maintien dans l’entreprise »), la jurisprudence en déduit de longue date que l’employeur doit agir rapidement, s’il souhaite sanctionner le salarié pour ce motif.

Une procédure disciplinaire pour faute grave, qui respecte le délai de 2 mois

Dans cette affaire, un salarié employé en tant que directeur d’association avait été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 8 novembre 2013, puis licencié le 18 novembre 2013 pour faute grave. Les faits reprochés au salarié, qui étaient survenus le 19 août (état d’ébriété sur son lieu de travail et envoi de 2 SMS à une collaboratrice, avec des propos déplacés), n’avaient été portés à la connaissance de l’employeur que le 9 septembre.

Ce n’était pas évoqué dans l’affaire, mais précisons que la convention collective applicable à cette association limitait le licenciement disciplinaire à 2 hypothèses, à savoir un licenciement pour faute si 2 sanctions préalables avaient été prononcées moins de 2 ans auparavant (ce qui n’était pas le cas en l’espèce) et un licenciement pour faute grave. Par conséquent, seule une faute grave pouvait motiver le licenciement en l’espèce.

Considérant que son licenciement était injustifié, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale.

Les conseillers prud’homaux avait écarté la faute grave, car selon eux la procédure disciplinaire avait été engagée trop tardivement.

À l’inverse, les juges d’appel l’avaient validé. À tort, puisque la Cour de cassation casse leur arrêt.

La faute grave suppose d’agir rapidement

Devant la Cour de cassation, le salarié soutenait, que son employeur n’ayant pas respecté un délai restreint, exigé par la jurisprudence en cas de licenciement pour faute grave.

Rappelons qu’en principe, une procédure de licenciement disciplinaire doit être mise en œuvre par l’employeur, dans un délai maximum de 2 mois après la connaissance des faits reprochés (c. trav. art. L. 1332-4). Selon les cas, la procédure disciplinaire est considérée comme engagée à la date à laquelle la convocation à l’entretien préalable est adressée au salarié (cass. soc. 5 février 1997, n° 94-44538, BC V n° 52) ou à la date de la mise à pied conservatoire (cass. soc. 13 janvier 1993, n° 90-45046 D ; cass. soc. 15 avril 1996, n° 93-40113 D).

Cependant, une faute grave exige, que cette même procédure soit déclenchée dans un délai bien plus court. Il lui faut en effet agir dans un délai « restreint » après avoir eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (cass. soc. 6 octobre 2010, n° 09-41294, BC V n° 214 ; cass. soc. 24 novembre 2010, n° 09-40928, BC V n° 266). À défaut de texte, ce délai dépend des circonstances, mais la Cour de cassation a par exemple déjà jugé qu’une faute grave devait être disqualifiée, pour un l’employeur ayant attendu plus de 3 semaines avant de réaliser l’entretien préalable, alors qu’il avait une connaissance exacte des faits sanctionnés (cass. soc. 23 octobre 2012, n° 11-23861 D).

Or, dans la présente affaire, le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 8 novembre 2013 (soit 2 mois moins un jour), après la connaissance des faits reprochés (le 9 septembre 2013).

C’est donc très logiquement que la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, qui avait confirmé la faute grave, alors que l’employeur n’avait pas respecté le délai restreint applicable en pareil cas. L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel.

Cass. soc. 22 janvier 2020, n° 18-18530 D